vendredi 13 février 2009

THE CURIOUS CASE

Une merveille ! Au départ, une très courte nouvelle de F. Scott Fitzgerald, au final un film d’une époustouflante splendeur. Parce qu’il faut le dire, Benjamin Button est avant tout l’un des plus fastueux et vibrant hommage qu’un réalisateur de la génération de Fincher ait jamais rendu à l’histoire du cinéma.
Tout, de la mise en scène à la photographie (coup de chapeau à Claudio Miranda), des décors aux costumes en passant par la musique (parfaite d’Alexandre Desplat) jusqu’aux pittoresques détails de certaines situations parfois très cocasses, parfois très nostalgiques, y est prétexte pour sublimer stylistiquement parlant les grandes périodes Hollywoodiennes, mais pas que : le muet des frères lumières, les récits d’aventures dignes d’un John Huston, les atmosphères romantiques à l’esthétisme inouï que n’aurait pas renié un Vincente Minelli ou encore les comédies dramatiques américaines des 70’s ... le film tout entier et par bien des aspects (notamment en matière d’effets numériques, une véritable prouesse) constitue le plus efficace et sensible témoignage qu’il ait été donné de voir sur l’évolution, d’un point de vue « poétique » (certains diront naïf), de l’industrie du 7ème Art.

Jugé inadaptable pendant de très longues années, il a fallu toute l’ingéniosité des deux producteurs pour finalement rassembler autour de ce projet artistiquement très ambitieux le scénariste Eric Roth, ainsi que le réalisateur et l’acteur principal de Se7en.
Première bonne idée : tout en s’appuyant sur le postulat de départ de l’histoire originale, Roth en a abandonné le fil narratif pour en modifier sensiblement les composantes principales et le rendre plus « réaliste ».
Dans la nouvelle de Fiztgerald, Button nait vieillard adulte avec une longue barbe grise (!). Beaucoup trop grand pour rester dans son berceau, il parle déjà avec l’expérience des gens d’un certain âge et bougonne lorsqu’on lui impose de porter des habits de petit garçon. Nanti, il reprend l’entreprise familiale, la fait prospérer et épouse une femme dont il aura un fils. Tous deux finiront par le détester, avant de le voir sombrer dans l’inconscience totale du nourrisson, puis disparaître dans le néant.
Dans le film, le vieillard est un vrai nourrisson souffrant d’arthrite et susceptible de mourir immédiatement. Abandonné à sa naissance, il est recueilli par la gouvernante noire d’une maison de retraite (une idée formidable qui donne au film certaines de ses séquences les plus touchantes). Il évolue donc, dès son plus jeune âge, parmi les personnes âgées, avant de tomber amoureux d’une fillette dont la grand-mère est une des pensionnaires du lieu. Il passera pratiquement toute sa vie en solitaire, à découvrir d’autres et d’autres ailleurs, à croiser cet amour sans jamais pouvoir le concrétiser vraiment, ni vraiment longtemps.

Alors que l’écriture de Fitzgerald exploite une veine cynique et assez cabotine, la proposition de Roth s’appuie sur l’apprentissage douloureux d’une vie d’errance, de solitude et de fatalité.
D’où une terrifiante impression de tristesse et de mélancolie au fur et à mesure que les personnages apparaissent, s’installent puis disparaissent, une réflexion majeure sur l’apprentissage de la perte qui conduit à ce constat totalement à l’encontre des codes systématiques du cinéma romantique destiné au plus grand nombre.
C’est là qu’on retrouve tout le savoir-faire (mûrissant) de Fincher et sa prédilection, qu’il s’agisse de commandes (Alien3, The Game ...) ou d’adaptations (Fight Club, Zodiac ...), pour des sujets forts, limites, aux lectures multiples. De ces projets qui lui permettent de privilégier coûte que coûte sa dimension d’Auteur et de s’approprier un scénario comportant, comme celui-ci, quelques grandes similitudes avec celui d’un Forrest Gump (dont Roth était déjà le scénariste), mais en déjouant astucieusement les pièges d’une redite éventuelle et en dirigeant son histoire vers d’autres enjeux, comparables à ceux d’un cheminement personnel très intime.

Une maturité enfin assumée qui donnera à n’en pas douter à ce Curious Case of Benjamin Button l’étoffe d’un classique, de ceux qui se dévoilent et s’apprécient au rythme lent et douloureux des histoires d’amour, des histoires de vies ... un très GRAND film.

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