DES GENS

L’increvable et talentueuse Zabou Breitman (qui nous revient à chaque fois là où on ne l’attendait pas) adapte et met en scène deux réalisations de Raymond Depardon, Urgences (1988) et Faits Divers (1983), au travers d’une succession d’instants choisis dont elle partage l’interprétation avec le fantastique Laurent Lafitte.
Des gens, puisque c’est ainsi que la « pièce » s’intitule, reprend sur le plateau du Petit Montparnasse le principe initié par le réalisateur-photographe dans ses documentaires : suivre dans leur quotidien des policiers du commissariat du Vème arrondissement ou observer l’arrivée de « patients éventuels » (une femme au foyer dépassée en phase de péter les plombs, un retraité suicidaire et « malade moral », un conducteur de bus épuisé …) aux urgences psychiatriques de l’Hôtel-Dieu …

Bref, des gens presque comme vous et moi, presque comme tout le monde semble nous dire la comédienne qui, pendant une heure et demi passionnante, parfois amusante, parfois grinçante mais toujours terrible, sensible et forcément touchante, restitue sur scène les paroles de ces héros anonymes, témoignages vivants de nos désarrois et de nos déséquilibres.

De la mise en scène, qui se joue, par l’astucieux déplacement d’une simple boîte blanche, des espaces et des univers aussi éloignés que ceux d'un commissariat et d'un hôpital (finalement, peut-être pas si différents que ça), au jeu extrêmement lucide, juste, jamais dans l’atermoiement ni la facilité et qui touche pile là il faut, tout concourt à faire de ces Gens les figures émouvantes, déconcertantes et indispensables à une réflexion, une remise en question fondamentale … quand le théâtre réussit ça, on ne peut que dire bravo !