mercredi 11 mars 2009

WATCHMEN

De BD, que dis-je, de roman graphique réputé inadaptable, Watchmen – Les gardiens s’est bien vite transformé au cours de ces dernières années en buzz internet incroyable auquel, à des degrés de fiabilité divers, de nombreux réalisateurs, et pas des moindres, ont été plus ou moins associés.
En tête d’un palmarès que je ne listerai point, le talentueux - mais gigantesque « foireur » - Terry Gilliam a failli s’approprier le travail de l’excessif Alan Moore, auteur de bandes dessinées depuis longtemps convaincu de l’incapacité des studios à reproduire pertinemment une œuvre graphique dans son fond comme dans sa forme. Jusqu’à présent, force était de constater qu’il avait raison. L’un des comics les plus originaux de Moore, La ligue des gentlemans extraordinaires, fut un véritable fiasco artistique (retiré des studios après ce premier film, le réalisateur ne s’en est d’ailleurs toujours pas remis).
Quant au très stylisé V pour Vendetta, pas aussi mal fichu qu’on pouvait s’y attendre, il est loin d’atteindre les prétentions intellectuelles de l’ouvrage très abouti dont il est issu. Certes, Watchmen, le film, n’est pas un chef-d’œuvre.
Pourtant, on frôle l’objet culte. Qu’un réalisateur moyen, tendance « tâcheron » aux ambitions artistiques encore inhibés en ait été le metteur en scène n’y est pas pour rien ... au contraire.

En mettant de côté l’appétit créatif certain dont un cinéaste imaginatif, chevronné et accompli (tout le portrait de Gilliam) n’aurait pas manqué pour s’approprier totalement le projet, et en adaptant avec fidélité, voire dévotion (quasi religieuse, mais Zack Snyder est un vrai fan et ça se voit) les 396 pages nécessaires à l’élaboration d’une intrigue extrêmement complexe impliquant plusieurs périodes de l’Histoire « récente » des Etats-Unis, dans une version complètement révisée (les américains ont gagné la guerre du Vietnam et Nixon est élu Président pour la troisième fois consécutive ...), le réalisateur de 300 (pas forcément la preuve d’un grand talent) a presque humblement réussi à extirper ce qui faisait l’ossature, le sens, l’intérêt du bouquin de Moore et Gibbons (le dessinateur).
A découper son film comme s’il s’agissait des vignettes d’un comics, à passer (parfois en s’attardant même un peu trop) d’un personnage à l’autre, d’une situation à l’autre, tout en jouant des rythmes (plutôt contemplatif lorsqu’on côtoie Dr Manhattan, plutôt expéditif lorsqu’on suit les pérégrinations de Rorschach …), des couleurs incroyables (oui, très kitsch, mais elles sont autant d’indices qui complètent l’intrigue) et à traiter les effets spéciaux non pas comme des exploits de post production (style Lucas) mais comme les composantes naturelles d’un monde parallèle où vivent des êtres exceptionnels, Snyder reste complètement en phase avec le monument graphique qui prend enfin corps et vie sous nos yeux éblouis : génialement campés par des acteurs discrets aux physiques parfaitement identiques aux personnages de Gibbons, les héros (parfois super et parfois moins) ont une âme, un destin.

Un chouia simplifié (exit le personnage du Capitaine Métropolis, exit les intermèdes narratifs … qui devraient, paraît-il, composer les bonus du DVD à venir) et à peine modifié (pas besoin, l’action a beau se passer dans les années 80, on nage bizarrement en plein dans l’actualité politique de cette décennie) le scénario ne déçoit pas, n’atténue pas et se joue complètement des interdits et frustrations que bon nombre de studios auraient été susceptibles d’imposer à n’importe quel blockbuster (cf. : toutes les adaptations depuis le Batman de Burton, excepté The Dark Knight de Nolan). Mais justement, ce Watchmen si fidèle à son modèle imprimé fait-il vraiment figure de blockbuster ? Certainement pas ! Et c'est indéniablement sa plus grande qualité. 

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