samedi 28 juillet 2007

LES CHOSES COMMUNES

Les choses communes, du suisse Nicolas Pages, dresse un extraordinaire inventaire de souvenirs d’importance variable, plus ou moins ordonné et détaillé.
Ecrit en 4 semaines au cours d’une retraite chez les moines bénédictins de l’abbaye d’Einsiedeln, et publié en 2001 chez Flammarion, cet hommage à Georges Perec et à Joe Brainard passe en revue de façon non exhaustive tout un pan de la vie de l’auteur, et de la notre, explorant le passé au travers d’évènements qui, quelle qu’en soit la teneur initiale, se voient tous réinterprétés par le filtre du ressenti et de l’implication personnelle :
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... je me souviens d’avoir arrêté d’aimer mon père, que je ne pouvais plus te voir comme au premier jour, d’avoir voulu ajouter quelque chose mais que c’était déjà trop tard, d’avoir été égocentrique par manque de confiance, d’avoir été arrogant par manque de confiance, de ça marche pour ça fonctionne, que l’on ne peut pas exiger des autres ce que l’on exige de soi, d’avoir aimé lire à haute voix, d’avoir voulu sauver le monde et de m’être arrêté en chemin, d’avoir eu chaud et de ne pas avoir supporté ma transpiration, que parfois une condition est non négociable, qu’il pleuvait lorsqu’on s’est séparé, de ne pas avoir aimé et de ne pas l’avoir dit, d’avoir entendu trop souvent que le monde appartient à ceux qui se lèvent tôt, que je me lève tôt quand je n’y suis pas obligé, de m’être énervé et d’avoir dit absolument tout ce que je pourrais regretter plus tard …
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... je me souviens de la première élection de François Mitterand, de l’exécution de Ceausescu et de sa femme, de ne pas en avoir cru mes yeux et d’avoir trouvé ça tellement simple et rapide, de la tâche sur le crâne de Gorbatchev, de Tchernobyl, de la photo de cette jeune mexicaine ensevelie jusqu’au cou dans la boue …
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... je me souviens d’avoir compté le nombre de tours pour avoir la queue de la pomme entre mes mains, de mercredi dernier, le genre de jour où il vaudrait mieux s’écouter et rester au lit, que parfois je suis incapable de rentrer seul dans un restaurant …
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... je me souviens de la période où je connaissais les crayons HB, 4H, 4C, 3A, de l’odeur de la laque Elsève, du goût de la pâte à modeler, des différentes couleurs qui se mélangeaient et du temps qu’il fallait pour la laisser durcir …
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Pris au jeu des choses communes, on se fait complice de l’exercice au fur et à mesure qu’on pénètre dans l’intimité du personnage ... personnage qui s’avère, malgré cette expérience somme toute assez impudique, aussi mystérieux qu’avant d’avoir parcouru ces 200 pages partagées sans concession …

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