jeudi 6 novembre 2008

NOBODY DOES IT BETTER

Durant 20 films, la série des James Bond était régie par un certain nombre de règles indéfectibles, sur lesquelles une majorité de fans, de critiques et de spectateurs relativement concernés s’appuyaient pour débattre plus ou moins objectivement de la qualité intrinsèque de chaque nouvel épisode. Si la formule ne variait guère depuis 1962, c’est à partir de Goldfinger, en 1964 que furent mis en place les éléments définitifs et répétitifs assurant aux aventures de l’espion britannique une durabilité sans précédent et jusqu’à présent jamais égalée. Et si par la suite, les heureux producteurs de ce phénomène unique ont permis, à de rares occasions, que scénaristes et réalisateurs s’éloignent des répétitives intrigues dites « classiques » pour mieux se rapprocher des romans de Ian Fleming (moins spectaculaires, peu de gadgets, plus réalistes ...) comme dans On Her Majesty’s Secret Services, ou carrément durcir le ton (plus de violence, plus de cynisme …) comme dans le pessimiste License To Kill, ce fût toujours de courte durée et pour revenir inlassablement vers ce que le public attendait de son espion préféré.

Résultat : malgré une succession d’interprètes aux physiques et aux jeux variés, les scénarios souffraient invariablement d’une absence d’audace, de diversité, voire d’originalité ... En gros, James Bond n’étonnait plus personne.

Aussi en 2005, lors du renouvellement indispensable à une franchise encroutée par un Pierce Brosnan plus victime de sa propre personnalité (super beau, super smart, … super précieux et super mou) que des vilains qu’il affrontait, Barbara Broccoli et Michael G. Wilson décident enfin d’ouvrir la voix à une nouvelle vision, plus réaliste mais néanmoins romantique de l’agent 007.
Exit donc les 20 premières aventures du chouchou de Sa Majesté, à l’instar d’un Batman Begins et à quelques détails près, le 21ème opus reprend tout à zéro, c’est-à-dire justement au moment où Bond devient double-zéro.
On en profite pour adapter le seul et le meilleur roman de l’écrivain original qui n’ait pas été adapté par les détenteurs de la franchise officielle, en s’adjoignant les services d’un maître du scénario (Clint Eastwood et son Million Dollar Baby en savent quelque chose), qui plus est excellent réalisateur spécialiste des drames urbains : Paul Haggis (Crash, In The Valley of Elah).

Véritable histoire d’amour et d’espionnage, le Casino Royale de Martin Campbell (un habitué) dévoile, sous l’allure sexy du très convaincant Daniel Craig, dont on dit déjà à l’époque qu’il est le meilleur interprète du rôle, une version moderne, réaliste mais aussi plus sombre de l’agent secret et de l’univers dans lequel il évolue désormais. Fort de l’attrait qu’un nouvel acteur (blond !) et une nouvelle vision du personnage proposent, le film fait un carton au box office et enclenche immédiatement la mise en chantier d’une suite (prévue au préalable) censée clore le chapitre de ce « prologue narratif » : comment et pourquoi Bond est ce qu’il est, comment et pourquoi il agit ainsi ...

A l’évidence, Quantum of Solace bénéficie de l’excellence de son prédécesseur, mais en pâtit aussi.
Impossible pour quiconque a été comblé par les attentes que suscitait l’opus précédent, tant par la qualité de ses interprètes que par l’atmosphère et le rythme si particuliers (une grande partie du film se déroulant dans le casino sus cité), de ne pas être tenté de suivre les démêlés de Bond avec ceux pour lesquels la femme qu’il aimait l’a trahie. Difficile donc de ne pas risquer d'être déçu. Vesper suicidée, Bond esseulé va devoir prouver qu’il peut à la fois remplir une mission dont les enjeux géopolitiques et les intérêts économiques sont primordiaux pour les échanges internationaux entre son pays et « ses cousins », mais également accomplir son implacable vengeance.

Ici, contrairement à Casino Royale, qui prenait le temps d’installer les personnages par de longues scènes dialoguées, une relation intime poussée, ..., le rythme (dès le départ) s’annonce effréné.
Pas ou peu de temps mort, un montage extrêmement serré, qui collent à l’état d’esprit du héros qui, comme le spectateur parfois perdu, a du mal à y voir clair. Mais ça marche ! A fond même !!!!
Les séquences d’actions assez nombreuses mais complètement intégrées au déroulement de l'histoire (en fait beaucoup moins complexe qu’il y parait) sont vivifiantes, considérablement spectaculaires, bref, totalement jouissives, et si (oui c’est vrai) on emprunte considérablement au style Jason Bourne (carrément son réalisateur de seconde équipe, Dan Bradley), il faut admettre que James s’en accommode plutôt très bien.
Tellement que ce sont souvent les scènes les plus « basiques » qui fonctionnent le mieux (perfection et beauté des combats à main nues).

Côté scénario, on s’en sort pas mal du tout. En l’absence de femme susceptible de tenir la dragée haute à 007 (malgré le personnage de Camille, détonant et finalement très intéressant) le rôle de M, sa supérieure hiérarchique (excellente et indispensable Judi Dench), se voit considérablement développé : une aubaine, pour l’agent survolté, qu’une figure maternelle attentive, autoritaire et plus posée, vienne contrebalancer sa violence parfois excessive.
Et si dans cet élan tout ce qu’il y a de plus énergique, certains personnages perdent en profondeur, rayon méchants le film n’est pas en manque.
Comme dans Casino Royale, on regrettera mais s’amusera aussi du fait que l’adversaire principal, ambigu (Amalric, intéressant en petite teigne sadique énervée), ne fasse pas le poids ... c’est aussi ce qui en fait l’intérêt car on ne sait jamais qui dirige véritablement cette mystérieuse organisation qui donne en partie son titre au film ...

Au final, que ressort-il de toute cette aventure ?
Le réalisateur suisse Marc Forster (Monster’s Ball, The Kite Runner ...) s’étant impliqué dans l’entreprise au point de reprendre le scénario, avec son interprète principal, juste avant le début des premières prises de vue, il est clair qu’à contrario de bien des épisodes, celui-ci inaugure en donnant vraiment à la notion « d’auteur » (dans les limites de ce que la franchise est susceptible de permettre aujourd’hui) une place de choix.
Confirmant cette stratégie en faisant de Quantum of Solace une expérience esthétique très personnelle et à tout point de vue réussie (dont un générique magnifique et graphiquement très inspiré, signé MK12), décapant à l'extrême le personnage de ses codes/référents habituels (trop ? ... mais le jeu en vaut la chandelle), Forster (dont le travail si décrié aujourd’hui par certains, sera plus tard sans aucun doute l’un des plus appréciés) signe la deuxième partie complémentaire et parfaite de l’approche proposée deux ans plus tôt par Haggis et Campbell.

Mission « dynamite » accomplie donc, et ouvrant la voix (on l’espère) à toute une flopée de nouveaux réalisateurs et scénaristes inspirés, susceptibles de donner leur propre vision de cette icône enfin rajeunie/réssuscitée.
Aujourd’hui plus que jamais, une seule chose est sûre : Craig est Bond, comme personne d'autre avant lui ...

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Waow quelle gentillesse avec ce film lol
Tu connais déjà ma critique donc je ne vais pas te la ressortir en intégrale...
Si l'on prend le film tel quel, c'est un très bon film, même si j'aurais des critiques à faire sur la réalisation et le rythme. Sauf que voilà, c'est un Bond, donc un genre de film à lui tout seul... Casino Royale réussissait à dépoussiérer la série, en éliminant tout ce qui était accéssoire, tout en gardant certains codes de la franchise, parce qu'un Bond, même si ça se dépoussière, soit doit garder la saveur d'un Bond. QoS va beaucoup trop loin : un Bond c'est aussi un scénario (alors que là, il y a de l'idée mais ça manque cruellement de développement et de suspens), y a un petit côté "shiny" dans la réalisation...
Alors, ça n'est pas un mauvais Bond, loin de là, il a même un illustre place par rapport à ce qu'il apporte, mais le film est même trop radical par rapport à ce qu'était Casino Royale... Il m'a manqué un scénario plus poussé et une réalisation un peu plus dans le ton de ce qu'est un James Bond : à vouloir donner du réalisme au film, on a des scènes d'action illisibles, si c'est supportable et supporté dans la scène d'ouverture, dans la poursuite à Sienne c'est du n'importe quoi...
Développer le personnage de Bond, c'est bien, mais pourquoi le faire aux dépends du reste, surtout quand on présente le Bond le plus court de la série. Je constaterai, pour excuser le film, qu'une nouvelle fois, ce n'est pas une adaptation de Flemming, les adaptations des livres sont bien meilleures parce qu'ils ont le scénario... Là où Casino Royale nous présente un scénario ciselé à l'or fin, GoS nous livre un scénario basique digne des épisodes brosnaniens et heureusement qu'ils ont développé le personnage de Bond, ça donne du sens au film...
J'espère n'avoir pas été trop "simpliste" (je te taquine !)
Je te rassure, au niveau Bond, je suis fan des épisodes de Dalton, j'aime pas les Brosnan (sauf Le monde ne suffit pas), j'aime beaucoup le Lazenby et Connery parce que c'est du bon Bond.

rupert a dit…

Pour celles et ceux qui ne l'auraient pas encore compris, QoS (meilleurs chiffres d'entrée en première semaine pour un film américain en 2008 en France, excellent démarrage en Europe) fait vraiment débat dans les communautés de fan et chez les cinéphiles en général ...