samedi 16 février 2008

LES SOUVENIRS

Merveilleux chanteur, excellent musicien, apôtre de la bonne humeur et passionné de pétanque, le Zorro pas pressé s’en est enfin allé. Henri Salvador s’est éteint mercredi dernier à l’âge de 90 ans.
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Environ 35 ans plus tôt, fraîchement débarqué en métropole dans les vignobles Languedociens près du Béziers de ma naissance, je découvrais mes grands-parents, deux inconnus qui n’intervenaient jusqu’alors qu’au travers de photographies qui, par l’abstraction de la distance, ne signifiaient pas que d’autres, hormis mes parents, mes sœurs, étaient censés compter pour moi.
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Avec eux, plus âgés, différents, loin de « mon » île, une machine, un monstre, un dieu pour lequel j’eu longtemps une fascination telle que m’en priver fût ensuite la pire des punitions relevant alors dans mon esprit capricieux de gamin préservé (ceux qui ont la chance d’avoir vécu ailleurs, dans un paradis terrestre au sein de communautés où leur âge, leur blondeur, leurs origines et leur innocence font d’eux des enfants d’exception) d’une sévérité extrême, exemplaire, sans commune mesure.
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Dans cette boîte, un cube lourd encombrant, aujourd’hui rectangle plat presque invisible qu’on appelle toujours téléviseur, des émissions comme on en fait heureusement ou malheureusement plus.
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Au milieu de toutes les images qui me reviennent à l’esprit, quand je pense un peu nostalgique à cette époque révolue où, par exemple, toute une partie de ma famille se retrouvait certains dimanches chez les représentants autoritaires d’une descendance qui ensuite, émancipée, éparpillée, devint moins respectueuse et plus réfractaire aux conventions et aux considérations des proches (et dont je suis), entre deux notes du générique accrocheur de La séquence du spectateur et la frustration de n’y voir que de courts extraits de films (qui me donnèrent peut-être par la suite la passion des salles obscures), les fous rires irrépressibles et communicatifs d’une bande de jeunes Rapporteurs et les multiples rediffusion du Roi et moi qui me rappellent toujours les bonnes tartines de Roquefort (le fromage des adultes et du bon vin) des fins de repas, je ne peux m’empêcher d’intercaler quelques chansons, quelques passages, de cet étrange olibrius souvent fort drôle mais par moments tour à tour fourbe et inquiétant.
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C'est ainsi qu'il m’apparaissait lors de sketches, émissions variées et autres fables télévisuelles en agneau naïf et geignard, en lapin blanc un peu secoué, en souris craintive et revêche, en grand loup trouble et effrayant ou, bien souvent, en fille bizarre, extravagante et pathétique de laideur …
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Aujourd’hui, à l’annonce de la disparition du vieil homme touchant (Syracuse, Jardin d’hiver) et difficile (ses mots durs pour certains), tous ces souvenirs d’Henri Salvador, clown pittoresque à la voix tendre, sensible, charmeuse, au rire incomparable et dévastateur, me ramènent invariablement vers cette enfance disparue que je ne regrette pas.
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Et je me remémore comme de précieux instants tous les gestes, tous les mots, toutes les phrases au ton sévère dites par ceux qu'on doit respecter, de celle qui était ma grand-mère, femme importante, aïeule aimée qui même de loin et au fil des années compte encore, toujours autant. Je pense à toi souvent …

7 commentaires:

Anonyme a dit…

A toi aussi .... ça t'évoque tous ça. Décidemment ces douze derniers mois, nous aurons apporter leur lot de souvenirs qui s'en vont à travers ceux qui les ont généré: serrault, noiret, salvador, martin .....

Anonyme a dit…

Ai essayé de rattrapper retard jusqu'au 28 décembre. Pas mal non ?

rupert a dit…

Pas mal du tout en effet ;-) ... ben dis donc, ça en fait de la lecture !!!!! (et de l'écriture too)

Anonyme a dit…

Inattendue cette correspondance mémorielle entre l'enfance et... Henri Salvador. Ton "île" (La Réunion ?)... tu piques ma curiosité ;-) Quant à Henri Salvador (qui était originaire de Guyane)... je l'ai bien entendu redécouvert début 2000 avec son surperbe "Jardin d'hiver"... je me souviens de soirs d'été d'une spendeur et d'une harmonie parfaites à l'écouter... et puis bien avant (qd même) j'écoutais un double album... des morceaux dits commerciaux (il l'avoua lui-même) jusqu'aux inoubliables (blues... blouse du dentiste avec Boris Vian... Syracus...). Et pour finir tu as bien raison de dire qu'il s'agissait d'un grand musicien... un guitariste de talent. Bref... un post que j'apprécie bcp. bye

rupert a dit…

Merci, c'est gentil ;-) pas la Réunion, non ... plus loin, plus loin ... de l'autre côté du globe !

Anonyme a dit…

Le Pacifique... Bye

Anonyme a dit…

Bel hommage!