mardi 26 décembre 2006

LA VIE EST PEUT ETRE BELLE

Magnolia raconte le destin croisé de 9 personnages qui cherchent un sens à leur vie et éventuellement une rédemption. De la jeune femme paumée et camée, au producteur de TV à l'agonie, en passant par un jeune prodige perdant pied lors d’un jeu télévisé et un leader charismatique vantant la supériorité de la gent masculine, Paul Thomas Anderson nous offre sur 3 heures une incroyable palette de caractères, un florilège de personnages tous plus en détresse les uns que les autres.
image Le film est ambitieux et s’il peut sembler souffrir parfois d’un ton quelque peu moralisateur ou consensuel, il faut également admettre que Magnolia traite frontalement, comme rarement, de thèmes simples et complexes à la fois (l'amour, l'infidélité, l'ennui, le sexe, l’inceste, …), en y ajoutant une dimension originale et un regard singulier. La mise en scène virtuose (on retrouve Scorcese) et l’incroyable direction d’acteurs (tous transcendants) appuyées par une ambiance musicale totalement complémentaire qui prend aux tripes (le score de Jon Brion et les chansons d’Aimee Man), permettent d’apprécier la construction, la « démonstration » d’Anderson. Choisissant la difficulté en multipliant les personnages et les émotions plutôt qu’en se focalisant sur un rôle et donc un point de vue en particulier, il ose le risque d’être comparé au maître du genre, Robert Altman, LA référence en matière de film choral. Mais Magnolia est moins acide que Short Cuts et, surtout, son réalisateur n’a alors que 28 ans, contre 68 et une filmographie de taille pour son modèle.
image Privilégiant les réflexions sur le temps et son côté pesant, sur l'amour et ses mensonges, … les conflits fondateurs et destructeurs qu'il suppose confèrent à Magnolia son originalité et sa portée philosophique. A l’image de l’hystérie du magnifique personnage interprété par Julianne Moore, le scénario surprend et déconcerte. Peu à peu le récit se décompose, donne l'impression de n'être plus maîtrisé et de sombrer dans le mélodrame le plus classique … jusqu’au point culminant de ces dérapages où Anderson, dans un délire visuel et narratif, se permet l’audace de prendre le spectateur à revers. Il permet en outre à Tom Cruise d'offrir quelques unes des plus belles scènes de sa désormais longue carrière de playboy américain. Ne serait ce que pour l’observer dénigrer le rôle du macho-séducteur qu'il a pourtant si souvent interprété, Magnolia mérite d'être vu. Mais au-delà des performances de son étonnante distribution, ce film démontre la capacité d’Anderson à fournir un film abouti et efficace, chargé en contenu et en sens, à un moment où le cinéma américain est pourtant souvent décrié pour son néant intellectuel et l’absence de réflexion qu'il présuppose.
image Ambitieux donc, mais honnête, Magnolia est un petit chef-d’oeuvre passionné et passionnant, porté par le souffle singulier d'un cinéaste prometteur dont la courte filmographie (Boogie Night et Punch Drunck Love entre autre) ne souffre encore d’aucune fausse note.

A venir, son adaptation du roman d’Upton Sinclair, Oil !, dans laquelle Daniel Day Lewis incarnera le rôle principal. Egalement auteur du script, Paul Thomas Anderson abordera avec There Will Be Blood les thèmes de l'arrivisme et de la désillusion du rêve américain sur fond de commerce du pétrole dans les années 30. Alléchant, non ?!

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